Un personnage de roman, Philippe BESSON





Je confesse n'avoir rien lu encore de Philippe BESSON et il faut que je rattrape ce retard (car c'est un simple retard, cela fait très longtemps que j'ai envie de le lire). Et je ne sais pas si celui-ci est révélateur de son style car il n'est pas aisé de percevoir quel écrivain de roman se cache dans ce livre... J'entends par là que ce livre, pour moi, n'est pas un roman mais plutôt un récit de campagne. Un honnête reportage journalistique factuel et chronologique. Ce livre nous raconte une success story de façon plutôt satisfaisante.
Peu importe l'opinion qu'on peut porter sur Emmanuel Macron, il est indéniable qu'il est singulier et que cette campagne présidentielle a été hors norme. C'est ce qui a éveillé ma curiosité. Et ce livre retrace très bien cette campagne et ses enjeux  à tel point qu'on oublie l'auteur de roman qui s'est transformé en analyste politique, certainement contre sa volonté première.
Le titre est bien choisi car Emmanuel Macron a tout d'un personnage de roman. mais l'auteur peine à nous le démontrer. Un personnage de roman mais lequel? Quel personnage et quel roman? On voit bien qu'il se vit comme tel. N'ayant pas (encore) pu devenir écrivain, il se vit lui-même comme un personnage de roman, du roman qu'il aurait voulu écrire? Qu'apprend-on vraiment sur lui? Il est "romanesque et romantique", "sentimental", "facétieux"... mais ces adjectifs le qualifiant ne sont jamais étayés, ils restent des mots rapportés et des interrogations.
On voit bien la capacité d'analyse du candidat, sa finesse, sa faculté à anticiper, à tout penser et à penser à tout, à se créer une stature, un personnage présidentiel. Son goût pour la littérature transparaît, il est cultivé et a de l'esprit et du vocabulaire. Mais le portrait me paraît inachevé et peu différent de ce qui transparaît dans les médias.
J'aurais aimé quelque chose de plus personnel. Pas des révélations fracassantes sur sa vie intime, non. Cela ne m'intéresse pas. Et je trouve qu'Emmanuel Macron n'a pas tout à fait tort quand il dit que "le pouvoir exige de l'opacité". Je suis d'accord également avec l'auteur qui regrette les campagnes actuelles où le spectacle et la forme l'emporte sur le fond, où des candidats vont livrer leur intimité sur un canapé...
Est-ce cette "opacité" qui a empêché l'auteur de dépasser le récit de campagne?
"Je me rends compte que je fréquente Emmanuel M. depuis des mois, que nous nous voyons régulièrement,, que nous échangeons des messages presque quotidiennement... Je devrais donc aujourd'hui le connaître et je m'aperçois qu'il demeure par beaucoup d'aspects insaisissable..."

Je trouve qu'il manque la subjectivité de l'écrivain, même si on voit que la personnalité d'Emmanuel Macron le fascine malgré lui.
La singularité du candidat est tout de même bien démontrée. Et le récit de campagne réussi.
Et le résultat semble correspondre exactement à la volonté de l'auteur. J'ai eu l'impression qu'il ne voulait pas trop en dire pour ne pas trahir leur amitié.
Il reste que cette campagne présidentielle hors du commun est un roman en elle-même. Brigitte Macron dit d'ailleurs à ce sujet que "la réalité est plus improbable que n'importe quelle fiction" et que la politique, c'est du roman! Nous avons donc le cadre, l'histoire (la campagne) et le personnage du roman. Il suffit alors de raconter cette campagne pour écrire un roman?
La lecture est plaisante et je me suis surprise à trouver du plaisir à revivre cette campagne dont je connaissais les multiples rebondissements et l'issu car l'analyse est juste.
Mais je ne pense pas qu'il m'ait été permis de juger des talents de romancier de son auteur avec ce livre.
Un aspect du livre qui m'a amusé, est qu'il nous éclaire sur les rapports d'Emmanuel Macron avec les journalistes et l'accueil que la presse a réservé à ce livre s'explique peut-être en partie par le fait que ni ce dernier ni l'auteur ne les épargnent:
"Il semble découvrir que les journalistes n'écoutent pas les réponses qu'ils posent, ne laissent de toute façon pas le temps de proposer une réponse articulée et nuancée, et recherchent le buzz, donc le clash. Il s'agace:"Certains sont vraiment nuls!" Je rectifie:"Non, ils sont de leur époque. C'est pire."

Un livre qu'il faut lire pour se rappeler cette campagne où le débat d'idées a été quasiment absent et qui rappelle ce que sont les hommes politiques, le monde politique, son cynisme, sa violence. Les contradictions des autres candidats sont bien mises en exergue et le danger que représente l'extrême droite rappelé de façon très claire et très simple. En trois mot: un très bon journal de campagne.


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