Fief de David Lopez



Un vrai régal de lecture ce Fief!
Un récit chargé de réalisme, rempli de fraîcheur , émouvant et plein d'humanité.
Un travail remarquable sur la langue qui permet une immersion dans le quotidien de Jonas (le narrateur) et de sa bande de potes dans une ville moyenne de France. Nous partageons le cadre familier de Jonas et de sa bande, leur quotidien répétitif, anesthésié. Ils n'aspirent à rien et sont rejetés de partout. Une description de ce quotidien sans complaisance mais pleine d'empathie et cocasse! On éprouve une certaine tendresse pour ses personnages plein d'humanité.
La langue française est vivante, inventive. Un style abrupt, incisif et pourtant non dénué de poésie. J'ai adoré sa façon de rendre littéraire le langage de la rue. Le style est vraiment superbe. Les moments de grâce se succèdent. Des passages superbes sur la boxe, d'un dynamisme et d'une précision parfaits, des passages superbes sur la "glande" organisée de ces jeunes et leurs joutes verbales (des parties de cartes ou une dictée sont des moments croqués avec brio). L'exercice d'écrire le langage "parlé" est extrêmement périlleux et il est splendidement réussi. Une lecture jouissive ne serait ce que d'un point d'un vue stylistique.
Mais ce roman est également remarquable sur le questionnement qui en résulte. L'intrigue est des plus minces certes. C'est véritablement un roman du quotidien. Il n'y a pas vraiment d'histoire. Pourtant David Lopez nous raconte bien quelque chose à travers les journées de cette jeunesse résidant entre banlieue et campagne, jetée dans une réalité pleine d'injustices et aux allures d'impasse. Le propos est sociologique mais humain. C'est une plongée dans une sorte d'aquarium ("aquarium" devait être le titre du roman: un lieu dans lequel on tourne en rond sans possibilité d'y échapper, de s'en éloigner) où il est difficile de s'en sortir. On voit combien le déterminisme social les frappe dès leur plus jeune âge. Il y a aussi un certain confort pour eux à jouer les perdants (sur tous les plans: professionnel, social, sportif ou amoureux!) et l'auteur ne les dédouane pas de leur responsabilité.  Ils sont "rivés à leur fief" sans échappatoire, victimes de leur inertie et d'un certain racisme social.
Une lecture que je recommande vivement. Un premier roman superbe! Un nouvel auteur à suivre!

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