La Curée, Emile Zola




La Curée est le second roman des Rougon-Macquard (ensemble de vingt romans inspiré de La Comédie Humaine de Balzac) dont le sujet reste brûlant d'actualité.
Comment quelques personnages sans scrupules vont se partager les chantiers de construction de la ville de Paris sous l'ère Haussmanienne pendant le second Empire.
Outre ses qualités littéraires exceptionnelles qu'il n'est pas besoin de commenter, ce roman nous montre que les pratiques qui avaient lieu il y a plus de 150 ans perdurent aujourd'hui.
Il s'agit d'un exposé édifiant du dévoiement de la commande publique et en partie du système des concessions, qui consiste à confier à des intérêts privés le financement et la construction d'équipements publics.
Construire une nouvelle ville, cela a un prix.
Une phrase de l'ouvrage résume bien la problématique:
"Quant à la dépense, déclara gravement le député Haffner qui n'ouvrait la bouche que dans les grandes occasions, nos enfants la paieront, et rien ne sera plus juste."
Cela renvoie directement aux critiques faites aujourd'hui aux "PPP" (partenariats public-privé) dont les détracteurs dénoncent le fait qu'ils permettent aux collectivités de faire financer des projets publics en renvoyant leur paiement aux générations suivantes.
La Curée est un livre d'une criante actualité comme la plupart des classiques (Balzac, Hugo etc) qui ont analysé leur époque (ou la retranscrire en simple témoin) et su saisir des problématiques sous-jacentes à nos sociétés, qui ont donc le génie de l'intemporalité.

Pour ceux que cela intéresse, voici un texte de Zola qui explique en quoi son oeuvre se différencie de celle de Balzac:
« Balzac dit que l'idée de sa Comédie lui est venue d'une comparaison entre l'humanité et l'animalité. (Un type unique transformé par les milieux (Etienne Geoffroy Saint Hilaire) : comme il y a des lions, des chiens, des loups, il y a des artistes, des administrateurs, des avocats, etc.). Mais Balzac fait remarquer que sa zoologie humaine devait être plus compliquée, devait avoir une triple forme : les hommes, les femmes et les choses. L'idée de réunir tous ses romans par la réapparition des personnages lui vint. Il veut réaliser ce qui manque aux histoires des peuples anciens : l'histoire des mœurs, peintre des types, conteur des drames, archéologue du mobilier, nomenclateur des professions, enregistreur du bien et du mal. Ainsi dépeinte, il voulait encore que la société portât en elle la raison de son mouvement. Un écrivain doit avoir en morale et en religion et en politique une idée arrêtée, il doit avoir une décision sur les affaires des hommes. Les bases de la Comédie sont : le catholicisme, l'enseignement par des corps religieux, principe monarchique. — La Comédie devait contenir deux ou trois mille figures.
Mon œuvre sera moins sociale que scientifique. Balzac, à l'aide de trois mille figures, veut faire l'histoire des mœurs ; il base cette histoire sur la religion et la royauté. Toute sa science consiste à dire qu'il y a des avocats, des oisifs, etc. comme il y a des chiens, des loups, etc. En un mot, son œuvre veut être le miroir de la société contemporaine.
Mon œuvre, à moi, sera tout autre chose. Le cadre en sera plus restreint. Je ne veux pas peindre la société contemporaine, mais une seule famille, en montrant le jeu de la “race modifiée” par les milieux. Si j'accepte un cadre historique, c'est uniquement pour avoir un milieu qui réagisse ; de même le métier, le lieu de résidence sont des milieux. Ma grande affaire est d'être purement naturaliste, purement physiologiste. Au lieu d'avoir des principes (la royauté, le catholicisme), j'aurai des lois (l'hérédité, l'énéité). Je ne veux pas comme Balzac avoir une décision sur les affaires des hommes, être politique, philosophe, moraliste. Je me contenterai d'être savant, de dire ce qui est en cherchant les raisons intimes. Point de conclusion d'ailleurs. Un simple exposé des faits d'une famille, en montrant le mécanisme intérieur qui la fait agir. J'accepte même l'exception.
Mes personnages n'ont pas besoin de revenir dans les romans particuliers.
Balzac dit qu'il veut peindre les hommes, les femmes et les choses. Moi, des hommes et des femmes, je ne fais qu'un, en admettant cependant les différences de nature, et je soumets les hommes et les femmes aux choses. »

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