Ma mère avait raison, Alexandre Jardin





Cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu Alexandre Jardin. A vrai dire, je n'ai lu que deux romans, ses deux premiers. J'avais bien aimé Le zèbre, et je m'étais donc intéressée à son tout premier Billes en tête, que j'avais préféré. Et puis j'ai cessé de le lire. J'avais l'impression qu'il faisait toujours la même chose. Il y a quelques jours, son dernier livre m'a été offert. J'ai laissé temporairement mes lectures en cours pour le lire car je savais que cela ne me prendrait que peu de temps au vu du nombre de pages et de la taille de la police.
L'auteur esquisse le portrait de sa mère à travers une déclaration d'amour   qu'il lui fait. Amour inconditionnel d'un fils pour sa mère, fantaisiste, fantasque, éprise de liberté mais aussi exigeante avec les hommes de sa vie et donc... son fils. Ce portrait de femme ne m'a pas vraiment ému. Ni troublé. Elle m'a laissé indifférente. Elle est éprise de liberté (surtout pour elle car son exigence interroge tout de même sur ce qu'elle impose indirectement aux autres) et vit sa fantaisie et ses désirs en n'ayant que faire des conventions sociales. Elle cohabite "en harmonie"par exemple avec ses quatre amants qu'elle a installé chez eux.
Alexandre Jardin écrit bien. Son écriture est fluide, son vocabulaire est riche. J'ai vraiment apprécié son style. Avec un bémol: il emploie très souvent le mot "normal" pour remercier sa mère de ne pas l'être, de ne pas en avoir fait des êtres "normaux" etc. Ce mot m'a toujours gêné. Il est éminemment subjectif. Ce qui est "normal" pour l'un, ne l'est pas pour l'autre. Il n'y a pas de "normalité", c'est une facilité de langage qui m'agace. Il y a des normes, morales, sociales, juridiques.
Je me suis posée également une question tout au long du roman: sa mère a-t-elle travaillé? Il n'en dit rien et c'est dommage. Car elle ressemble beaucoup à une enfant capricieuse qui n'a jamais eu à se soucier de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants (et la fin qui évoque son enfance va dans ce sens). Car matériellement, entretenir autant d'histoires d'amour à la fois demande du temps.
Et c'est finalement la seule chose qui m'a dérangé dans ce roman: la tristesse qu'il m'a laissé après sa lecture. Pas pour l'auteur qui ne sait pas comment il va survivre à la mort de sa mère. Pour l'enfant qu'il a été et qui a manqué d'affection maternelle. Elle a été peu affectueuse et lui a consacré peu de temps. Pour cet enfant qui recherche toujours l'amour inconditionnel de sa mère. Comment se construire sans celui-ci? Comment se construire face à l'exigence de cette mère? Pour l'homme enfin, qui ne supporte pas que cette mère le quitte car il ne pourra jamais obtenir cet amour inconditionnel, celui qui ayant peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être un héros tel que sa mère le veut, a failli mettre fin plusieurs fois à sa vie... "Non-héros, je n'ai tout simplement pas le droit d'exister à tes yeux". Ces quelques passages m'ont glacé. Ils sont d'une telle violence, d'une telle intolérance... (il explique enfant qu'il n'a jamais pris un petit déjeuner avec sa mère et qu'il restait à l'attendre devant la porte fermée de l'appartement où elle vivait avec ses amants. Et il a peur que cette porte ne s'ouvre jamais si elle meurt...). J'ai vraiment ressenti un malaise.
La fin de la quatrième de couverture m'a également gêné: "Certaines femmes ne devraient jamais mourir". Ai-je besoin de développer? Sans doute ne suis-je pas assez fantasque pour comprendre? Pourtant les conventions sociales me fatiguent et m'agacent aussi. Je crois n'apprécier guère les personnages qui imposent aux autres leur façon de penser. je préfère ceux qui donnent aux autres les armes pour penser par eux-mêmes.

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