Les douze portes dans la maison du sergent Makana, George Makana Clark





"Et donc, comme toutes les histoires, celle-ci commence par la fin."p.271
Et donc, George Makana Clark commence la biographie de Gordon par sa fin (sa mort), son esprit reposant dans un buisson de ronces où son cordon ombilical a été enterré, près du bungalow aux douze portes de ses ancêtres. C'est son "fantôme-conteur" qui raconte son histoire. En 1978, le sergent Gordon, éclaireur dans l'armée blanche de Rhodésie est fait prisonnier par la guérilla et condamné aux travaux forcés dans une mine de cuivre, un véritable enfer sous terre où il est livré à des conditions de vie inhumaines. La Rhodésie va devenir le Zimbabwe. Et ce changement n'est pas anodin car la lisière entre deux mondes est toujours palpable dans ce roman.
Le roman est découpé en douze chapitres, douze "clés" qui ouvrent chacune une porte sur la vie de Gordon. Chaque chapitre représentant une étape, un éclaircissement sur sa vie ou sur le secret de ses origines. En sortant de la mine et en allant vers la lumière, nous remontons sa vie à rebours et terminons par sa naissance en 1957, par la dernière porte du bungalow de ses ancêtres. Ce procédé n'est pas nouveau et cette chronologie inversée n'ajoute aucune difficulté à la lecture.
Ce roman d'apprentissage à rebours est un mélange, un métissage, à l'image de Gordon. Le lecteur est entre le monde des vivants et celui des morts, entre rêves, croyances, sacré et réalité. Il plonge en Afrique australe (principalement), dans ses croyances et ses contes mais il ressent à la façon de raconter, à la plume de l'auteur, ses origines occidentales. Le texte, teinté de lyrisme et de dureté, témoigne notamment du non-sens et du surréalisme  des guerres sanglantes africaines et des affres de la colonisation. Les amis d'hier sont les ennemis d'aujourd'hui et inversement. Le lecteur assiste à une transition qui voit les traditions mourir mais qui pourtant s'accrochent.
Ce premier roman est à l'image de l'auteur, il nous fait ressentir ses origines culturelles différentes, une manière de raconter occidentale mais empreinte d'une autre culture qui n'est jamais en arrière-plan. George Makana Clark vit aux Etats-Unis et enseigne l'écriture. Il est né en Rhodésie dans une famille d'origine britannique et a une arrière grand-mère xhosa, la grande tribu de la région. La narration est rigoureuse et la plume précise, fluide, donnant vie à la poésie des contes africains et faisant partager les sensations physiques au lecteur, qui se trouve au milieu des odeurs, des couleurs, des images et des paysages africains, des personnages hauts en couleur, des légendes et des traditions mystérieuses, de la violence omniprésente.
Une baisse de régime peut se faire ressentir au milieu du roman mais il est certainement lié à un départ très fort et la sensation disparait très vite. Ce roman est remarquable, notamment parce qu'il n'est jamais manichéen et qu'il prend le lecteur par un procédé narratif intelligent et maitrisé pour lui conter une vie qu'il n'est pas près d'oublier.

Livre de Poche, 2018, 345 p.

Commentaires

Articles les plus consultés